Que cachent les fantasmagories d’un enfant et comment les accueillir ?
Sacha est un enfant de sept ans, entouré de ses deux parents. À l’école, il est isolé sous son arbre. C’est que Sacha est « dans son monde ». Enfin, c’est la vision qu’a de lui son entourage. Mais « tout est une question de point de vue ».
En réalité, Sacha n’existe pas. Il n’y a que Mitsuo[1] un héros intergalactique inspiré d’un manga. Il est entouré de ses deux acolytes, Ed et Plume, avec lesquels il mène une quête : traversant mille dangers, ils doivent trouver les trois cartes dont le décryptage ouvrira l’accès à Neolia. Arriver sur cette planète est en effet un impératif !
Encore faut-il qu’il puisse être accompagné.
Or, à presque huit ans, la troisième école dans laquelle il est scolarisé refuse d’aller plus loin : « Tant qu’il peut rester dans son monde, c’est un enfant très agréable, en effet… mais dès qu’il doit en sortir tout est problématique ». « Je ne peux pas rester constamment derrière lui ». « Avec un poste en plus, ça aurait pu être envisageable ».
Alors, il y a bien un institut qui offre une alternative : « On lui a donné un petit calmant. Un médicament complètement inoffensif ». Sacha s’endort et les contours de son montage s’estompent. Mitsuo ne supporte pas cet endroit.
C’est alors qu’Emma, sa mère fait un pari : « Je m’occuperai de lui ». C’est « la seule chance, considère-t-elle, qu’il a de rester un peu lui-même ». Elle met entre parenthèses conjoint et emploi, le temps de s’engager dans l’aventure incroyable de la rencontre avec son fils. Elle revêt le costume du personnage allié de Mitsuo, le rejoint dans son monde et apprend à devenir le partenaire de Sacha. À chaque planche, réalité et imaginaire se mêlent en éclats colorés, jusqu’à en perdre pied…
Mais l’aventure est risquée et expose la famille à l’intervention des services sociaux…
C’est alors que, devant la séparation, au paroxysme de l’angoisse, Emma comprend qu’au cœur de toute cette histoire, se loge ce que Sacha a réellement perdu, sans pouvoir le subjectiver, et qu’il tente désespérément de retrouver. « Le réel, ou ce qui est perçu comme tel, est ce qui résiste absolument à la symbolisation[2] ». Voilà ce qui est logé au creux du nouage subjectif de Sacha et qui donne lieu à « la brûlante manifestation d’une réalité irréelle, hallucinatoire[3] ». C’est aussi ce qu’il s’agira sans doute pour lui de traiter autrement !
Mais voilà, seul le tome 1 vient de paraître… Vivement le 2 !
[1] Gijé et Hamon J., Mitsuo, tome 1/2, Paris, Le Lombard, septembre 2024.
[2] Lacan J., Le Séminaire, livre I, Les Écrits techniques de Freud (1953-1954), texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 1975, p. 80.
[3] Ibid.
